Depuis
des temps immémoriaux, le terroir d’Eygaliéres
a été occupé et mis en valeur
par les hommes et les femmes qui nous ont précédé,
ont fait notre «Histoire» et constitué
notre patrimoine.
Des
«baumes» (grottes) du versant Nord des
Alpilles au «château vieux» -
ou Mur des Ligures - au dessus du vallon de la Lèque,
les découvertes de traces anciennes attestent
la présence humaine sur plusieurs siècles
de l’âge du Bronze. L’antiquité gallo-romaine,
bien représentée, a livré de
nombreux témoignages de la présence
des «villas» dispersées dans
les parties les plus exploitables, pour l’époque,
de l’espace communal. Elles ont été
à l’origine de l’implantation des plus anciens
«mas» comme La Tabayonne ou Le Fray.
Du
Bas Moyen-Age à la fin de la Renaissance
(VIIè au XVè s.) les habitants du
village, plus bergers que paysans, peu nombreux
pour cet assez vaste territoire, se replient sur
la partie la plus sûre à défendre,
le piton rocheux du «vieux village»
d’aujourd’hui, aménagé en forteresse
de pierre, essayant d’échapper ce faisant,
aux dangers et malheurs de ces temps troublés.
Jusqu’au XIIè s. la communauté est
dominée par des petits seigneurs locaux,
avant de connaître des suzerains plus importants
- mais aussi plus ou moins lointains - comme aux
XIIIè et XIVè s. les abbesses de Mollégès
ou du XVIIè au XVIIIè s. la Maison
de Guise-Lorraine . Cependant, elle fonctionnera
toujours comme les anciens «municipes»
romains dont elle est issue, c’est à dire,
sans rejeter la soumission aux seigneurs supérieurs
(Comte de Provence ou Roi de France), elle va se
gouverner selon ses propres lois et usages, faisant
corps autour des «syndics ou conses»
qu’elle se nomme, ayant assez de biens pour racheter
ses «libertés» elle-même,
en 1660, bien avant la «Grande Révolution».
Des
bouleversements radicaux vont survenir du XIXè
jusqu’au milieu du XXè s. Le relatif «âge
d’or» des paysans «meinagié»
(propriétaires) va durer effectivement environ
un siècle et demi . Favorisé par l’arrivée
tant espérée de l’eau de la Durance
vers 1840, avec le canal d’irrigation des Alpines,
et celle plus tardive mais essentielle du «chemin
de fer» en 1884 au quartier de « La
Gare », le «déperchement»
du village - initié déjà, comme
partout en Provence, depuis la fin du XVIè
s. - va s’accélérer. La possible utilisation
intensive des «baisso» (plaine) va inciter
les paysans d’Eygalières à transformer
leur modeste agro-pastoralisme autarcique en exploitations
«exportatrices» vouées aux productions
maraîchères tournées vers les
grands marchés urbains du «Nord».
Le vieux village, serré autour du château
médiéval, abandonné par la
plupart de ses habitants, va peu à peu tomber
en ruines et ne resteront plus sur «l’auturo»
(piémont et collines), que des «campas»
(friches), les dernières oliveraies et quelques
rares vieux «mas» isolés.
Dans
la dernière moitié du XXè s.,
l’entrée de la communauté ancestrale
dans le «modèle» de modernisation
urbaine contemporain a eu deux aspects bien distincts.
Dans
un premier temps (1950-1970), la modernisation agricole,
accompagnée de la mutation socioprofessionnelle
d’une grande partie des fils et petits-fils de paysans
de l’après-guerre, et leur départ
vers les grandes villes et les zones industrielles,
a semblé condamner le village à une
lente régression ou une relative léthargie
.
Mais,
rapidement, le phénomène a été
stoppé par l’évolution générale
des économies et sociétés de
l’Europe méditerranéenne, associée
au haut niveau de vie des populations urbaines du
Nord de l’Europe Occidentale. L’arrivée et
l’installation d’une frange de population nouvelle
- «lis estrangié» (les «étrangers»)
- a déterminé un virage économique
dominé par le tourisme - favorisé
par le climat et les modes nouvelles- et a imposé
le caractère «résidentiel aisé»
- profitant d’un cadre naturel remarquable et d’une
«urbanité» commode. Cet effet
socio-économique, pour l’heure semble-t-il
irréversible, a été contrebalancé
par le «retour au pays» des générations
exilées du «baby-boum» qui ont
contribué à rétablir l’équilibre
«identitaire» traditionnel dans cette
rapide et brusque transformation contemporaine du
« cours de l’Histoire » du village.
Claude
RICARD (Septembre 2008)
Sources
bibliographiques : Suzanne
et Maurice PEZET , « Chronique d’un village
de Provence » Avril
1997 coll. Mémoires du Sud, Edit. Equinoxe
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